La première thématique est une réflexion prospective et collective sur la construction d’une offre de justice plurielle au 21e siècle. Le CRJ entend en effet prendre sa part à ce grand chantier qu’est la réflexion sur une offre de justice de qualité, c’est-à-dire la construction de ce que l’on a pu appeler un « système global de justice plurielle » (L. Cadiet, « L’accès à la justice », D. 2017, p. 522), qui repose à la fois sur une justice étatique de première instance de qualité et sur le développement des modes alternatifs de règlement des conflits diversifiés et adaptés.
La diversité des voies de règlement offertes par un système de droit doit permettre de rechercher, pour chaque conflit, la solution qui correspond au mieux à la physionomie du différend, à son importance et à sa difficulté. Il est nécessaire de trouver, pour chaque différend, la voie processuelle la plus adaptée à son règlement, afin de permettre l’adéquation la meilleure entre les moyens déployés et le différend concerné. Le choix de mettre en œuvre un mode amiable et, parmi la diversité des modes amiables existants, le choix de tel mode amiable en particulier, doit être commandé par la recherche de la solution qui correspond le mieux à la physionomie du différend, à son importance et à sa difficulté, en vertu du principe émergent de proportionnalité procédurale. De même, la mise en œuvre de l’arbitrage obéit à des critères précis.
Les formes de justice proposées doivent donc être clairement différenciées : ainsi, la justice juridictionnelle tend à trancher le différend par application de la règle de droit. Elle vise à la justice rendue conformément au principe de juridiction. En matière amiable, la logique est bien différente : le principe de juridiction ne vaut pas et seule la négociation prévaut : la justice amiable est justice de paix et non justice juridictionnelle. Or tous les types de conflits ne se prêtent pas indifféremment à l’une et l’autre forme de justice. Le CRJ entend ainsi contribuer à la recherche d’un modèle français – ou, si l’on préfère, romano-canonique d’inspiration – d’accès pluriel à la justice, qui garantit des formes différenciées de justice et au sein duquel l’accès à une protection juridictionnelle demeure un noyau central et irréductible.
Une telle réflexion passe d’abord par un travail sur la recherche des principes directeurs émergents du procès civil. Le CRJ anime actuellement une recherche comparatiste d’ampleur sur les principes émergents du procès civil. Trois professeurs du CRJ sont directement engagés par ce projet (dont Lucie MAYER et Jean-Baptiste RACINE), que Cécile CHAINAIS coordonne sur un plan scientifique aux côtés des professeurs Jean-François Van DROOGHENBROECK, Burkhard HESS et Bruno SASSANI. Ce travail en cours a vocation à se poursuivre sur la période à venir. Il donnera lieu en juin 2024 à une réunion du groupe de recherche Giuseppe TARZIA à l’Université de Vienne, puis à une publication en 2025 aux éditions Larcier/Bruylant, qui rendra compte de l’ensemble des travaux accomplis par le groupe sur ce thème entre 2021 et 2024 (principes de proportionnalité, de loyauté, de concentration, d’immédiateté, d’oralité, de publicité, de dialogue et de coopération).
Cette recherche sera complétée, toujours sur un plan comparatiste, par des travaux relatifs à la recherche d’une justice de première instance de qualité, toujours sous un angle comparatiste. Un colloque est ainsi en cours de préparation, en partenariat avec le tribunal judiciaire de Paris (où le colloque se tiendra), intitulé : Quelle justice de première instance pour le 21e siècle ? Approche comparative. Il fera fructifier les relations établies lors des journées internationales sur les MARD, qui ont associé des magistrats européens à la réflexion menée par le CRJ et nous ont permis de tisser des liens avec des magistrats qui pourront à l’évidence apporter leur pierre à l’édifice.
La réflexion sur les principes directeurs sera poursuivie également en matière de modes amiables de règlement des différends (MARD), où cette question est très présente dans les travaux menés par les membres du CRJ. Cécile CHAINAIS a fait partie du groupe « Simplification de la justice civile » des états généraux de la justice civile (dirigé par le président du TJ de Paris, Stéphane NOËL), qui a proposé une réécriture du livre 5 du Code, consacré aux modes amiables, s’ouvrant par des principes directeurs communs. Des travaux sont poursuivis au sein du Centre de Recherche pour contribuer à la réflexion sur ce que pourraient être ces principes directeurs communs de l’amiable.
Enfin, le CRJ entend continuer le travail qu’il a entrepris pour participer activement à la réflexion sur la pratique des modes amiables et l’offre de justice en matière de modes amiables. Les journées internationales sur les MARD coorganisées par Lucie MAYER et Jean-François ROBERGE en mars 2023 ont ainsi été l’occasion de mettre en lumière la conférence de règlement amiable québécoise. La Chancellerie a annoncé poursuivre sa réflexion sur d’autres modes, tels quel la procédure participative. Les travaux seront poursuivis au sein du CRJ autour de ces questions, en lien avec la Chancellerie le cas échéant. Au demeurant, une thèse est actuellement consacrée au CRJ à la diversité des procédures de négociation en matière de résolution des conflits commerciaux, qui viendra encore alimenter cette réflexion d’ensemble.
Plus généralement, plusieurs thèses actuellement menées au sein du CRJ entendent contribuer à la réflexion sur la construction d’une offre de justice plurielle, que ce soit par un travail doctoral sur la redéfinition de l’accès à un juge par la jurisprudence, ou sur les avantages respectifs de l’arbitrage en ligne et de la médiation en ligne spécifiquement pour les consommateurs, ou encore sur le rôle de l’expertise dans la qualité de l’instance civile d’après une approche comparative France/Royaume-Uni, ou sur l’exécution provisoire de la décision de première instance, ou encore sur la question de l’articulation entre les situations d’urgence et l’arbitrage.